Chine

La Chine est grande, très grande. J'ai parcouru la région la plus au Sud, le Yunnan, avant de pénétrer au Tibet, que je considère ne pas être la Chine, mais un pays occupé. Ce qui suit concerne donc la seule région du Yunnan, et plus précisément le trajet Laos-Kunming-Dali-Ligian-Zhongdian.

Mode de vie, habitudes alimentaires...

Nouvel an chinois - Religion : La religion est très peu présente, ou du moins très discrète.

- Alimentation : A base de riz bien sûr ! L'usage des baguettes est la norme. Dans les petits restaurants, le bol de riz accompagne un plat de légumes au choix, poulet, porc ou boeuf frit. Manger demande alors une dextérité toute particulière. On prend un peu de la nourriture du plat principal, que l'on pose ensuite dans le bol. Petit mélange, puis en portant la bouche aux bords du bol, on pousse avec les baguettes la petite partie mélangée jusque dans la bouche, puis on l'aspire avec un "sluuurp" bruyant.

- Culture, coutumes : Dans les hôtels, restaurants, cyber-cafés... ou même lors d'un interrogatoire policier (!), un verre d'eau chaude est systématiquement offert, parfois accompagné de quelques feuilles de thé, puis regulièrement re-rempli d'eau chaude. Les thermos sont ainsi omniprésents. Plus désagréable : Cracher par terre en permanence, dans la rue mais aussi dans les bus ou les petits restaurants est une habitude tenace. Le gouvernement chinois a même interdit cette pratique à Pékin, pour donner une bonne image de son peuple lors des prochains jeux olympiques. La majorité des chinois (hommes, femmes, jeunes et très jeunes...) fument beaucoup. Partout, tout le temps. Restaurants, bus, chambres d'hôtel, toilettes... Partout une odeur de tabac froid...

- Toilettes : dans les gares routières par exemple, elles sont, étonnemment pour un occidental, totalement dépourvues d'intimité, permettant d'observer son voisin en pleine action. Ajouter à cela le bruit et l'odeur...

- Langage : Meme avec le guide de conversation sous les yeux, le chinois s'avère très dur à prononcer… Je me suis souvent retrouvé face à des situations d'incompréhension totale. Délicat.

- Sport : Basketball, ping-pong, plongeon, arts martiaux, volley-ball, billard, badmington... Formule 1 et foot européen sont aussi de plus en plus présents à la télévision.

- Transports : Très peu de vélos. Motos et voitures sont de plus en plus nombreuses. Les bus-couchette (pour petits gabarits !) sont très nombreux, les distances parcourues par les voyageurs étant ici souvent très grandes. La position allongée ou semi-allongée y est obligatoire faute de place pour s'assoir normalement. Particulier quand le trajet se fait de jour, sur la journée entière !

- Agriculture : Au Sud du Yunnan, on trouve riz, canne à sucre, bananes, papayes… L'agriculture n'y a plus rien de traditionnel.

- Habitat : La maison individuelle est peu présente. La population se concentre principalement dans les villes, toujours énormes, et vit dans de hauts immeubles. L'habitat redevient traditionnel au fur et à mesure que l'on s'enfonce dans l'Himalaya et l'ancien Tibet. Dans les petits hôtels, en hiver, des petites chauffeuses électriques sont disposées sous les draps pour compenser l'absence de radiateurs.

Santé, problèmes environnementaux, risques naturels :

- Les plastiques font leur apparition partout, y compris donc dans la nature, de plus en plus souillée par ces détritus à la nuisance durable. Le conditionnement plastique devient systématique. Aucune conscience environnementale ne semble émerger. La société de consommation telle que nous la connaissons chez nous est reine ici aussi. Consommer plus, toujours. Polluer plus, forcément. Jusqu'à quand ?...

- De grands (voire très grands !) travaux sont visibles partout: routes, autoroutes, bâtiments... Facile ainsi de comprendre l'intérêt des multinationales pour ce pays "qui s'ouvre". Logique donc aussi la discrétion de ces dernières sur le respect des droits de l'Homme ou le respect de l'environnement. L'économie avant tout, au risque de foncer dans le mur. C'est le mal du siècle.

- Lors de mon arrivée, la Chine a connu une vague de froid sans précédents, paralysant l'Est du pays pendant plusieurs semaines.

Ce qui m'a plus particulièrement marqué :

- Etat policier : Dès l'arrivée à la frontière, le ton est donné.Etat policier Mon passeport a été scruté, avec une suspicion non dissimulée. D'autres ont été questionnés pour vérifier l'authenticité de leur nationalité ("citez le principal club de foot de votre pays", "parlez moi dans votre langue", etc...). Le bivouac est interdit et dans les hôtels, un registre est à remplir systématiquement. Cela permet d'assurer la "traçabilité" de n'importe quel voyageur. La circulation des personnes n'est donc pas libre.

- TV : La télévision fonctionne exactement comme chez nous, avec toutefois beaucoup plus de chaînes, CCTV (China Central TéléVision) étant la plus représentée avec 12 chaînes. La préparation des esprits aux jeux olympiques de cet été bat son plein. Parcours de la flamme olympique décortiqué, explication de nombreux sports encore méconnus en Chine, etc. Autre exemple, les intempéries qui ont meurtri la Chine en ce début d'année 2008: comme chez nous encore, avec en boucle appel aux dons larmoyants, dramatisation de la situation, reportages sur les "victimes" bloquées dans les transports, responsables politiques qui viennent se montrer... Plus aucune autre information ne mérite alors sa place dans les journaux télévisés, l'"actualité" est dévastatrice... On retrouve aussi comme chez nous les sportifs starisés (en particulier deux joueurs de NBA surmédiatisés) ou encore séries abêtissantes ou jeux télévisés comme "Intervilles", en copie conforme jusqu'au générique... On exporte bien nos talents.

- L'outil médiatique : Le traitement médiatique des émeutes au Tibet est riche d'enseignements. La Chine occupe le Tibet de manière habile. Elle n'interdit pas la religion et contribue même à reconstruire des monastères qu'elle avait elle-même détruits. Or le Tibet était dominé, avant son invasion, par un pouvoir religieux. Si on laisse aux gens la possibilité de prier, que perdent-ils vraiment ? Certains pensent d'ailleurs n'avoir rien perdu. La liberté est finalement une conception vague... Si le Tibet avait été une démocratie, les "pertes" auraient peut-être été plus claires à appréhender, et la réaction de résistance en aurait été sûrement renforcée.

Au lendemain des émeutes, on peut voir sur CCTV une interview d'un petit vieux, "un retraité qui passe ses journées à prier" dit le commentaire. Avec son moulin à prière à la main, il témoigne: "Les émeutes viennent troubler le calme"; "On peut prier librement, alors qu'est-ce qui ne va pas?". Vient le tour d'un moine bouddhiste, puis d'une femme tibétaine... pour dire la même chose. Quand aux journalistes étrangers, leur présence est interdite "pour raisons de sécurité" (!). Les cartes mémoire d'appareil photo sont certainement confisquée pour les mêmes raisons... On apprend ensuite que "plus de 100 pays soutiennent l'action de la Chine au Tibet". Et ceux qui ne soutiennent pas ? Ils se trompent. Pour preuve des reportages télévisés ou des photos diffusés en Europe avec des commentaires faux (par exemple, une photo montrant deux ambulanciers transportant un blessé, avec la légende "deux policiers arrêtent un manifestant"), décryptés minutieusement par des journalistes chinois indignés pour montrer la manipulation, la propagande de ces pays... Pour mieux dissimuler la sienne ?

JO de Pékin Et chez nous ? La question mérite d'être posée quand on observe le traitement médiatique des grèves dans les transports en commun par exemple. On sait tout de l'usager pris en "otage", la colère qui l'envahit, le retard qu'il aura au travail, sa haine des grévistes, tout… Cela prend du temps d'antenne et on nous dit avoir "traité" le sujet des grèves... Et puis comme il a l'air vraiment si désemparé cet "otage", il faut s'occuper de lui, de ses soucis. Voilà ainsi introduit sur le devant de la scène le service minimum et la remise en cause du droit de grève, pourtant si chèrement acquis, qui lui est associé, etc. Et le travailleur-gréviste lui ? Quelles sont ses raisons de perdre une journée, ou plusieurs, de salaire ? De faire le choix, toujours difficile, de la grève ? A-t-il autant de temps d'antenne pour les expliquer, ses choix (sachant qu'il lui en faudrait théoriquement beaucoup plus pour expliquer sa position, qui va rarement dans le sens du discours dominant) ? Va-t-on donner autant d'énergie pour régler ses problèmes à lui ? Non... car il touche des sujets idéologiques forts, qu'il est délicat d'aborder de front car il faudrait alors argumenter honnètement… D'où un détournement permanent pour ne pas aborder le fond. Parler de l'usager en colère permet d'esquiver habilement ce fameux fond du problème, pourtant clé.

Et les violences dans les banlieues françaises sur lesquelles on m'a si souvent questionné dans presque tous les pays que j'ai traversés ? Là encore, traiter le sujet sous l'angle des violences avec horreur et indignation en montrant quotidiennement des voitures qui brûlent, des vitrines cassées, des visages cagoulés... et d'"honnêtes gens" dénonçant le tout, rappelle étrangement le traitement par la Chine de la situation tibétaine, toutes proportions gardées bien sûr. En effet, les images de violence, les incendies, les vitrines cassées et les interviews de citoyens chinois désemparés ont été montrés avec insistance. Une manière une nouvelle fois de ne pas aborder le fond, plus dérangeant?...

Il en serait de même encore pour le traitement médiatique des manifestations altermondialistes ou anti-CPE entre autres, toujours principalement traitées sous l'aspect "violences", plus vendeur...

La Chine copie donc, mais pas seulement jouets, vêtements ou chaussures... Elle pratique l'art de la manipulation médiatique à la perfection, l'élève dépassant même aujourd'hui le maître...

Comment auraient été présentés les résistants pendant la seconde guerre mondiale si la télévision avait existé telle qu'elle est aujourd'hui ? Terroristes, agitateurs, émeutiers ?... ou résistants pour un autre monde, libre et juste ?... L'histoire se répète. Ayons de la mémoire...

Voir les photos .

378799 visites