Inde

L'Inde est un pays immense. J'ai parcouru le Nord, du Népal à l'extrême Nord de l'Inde. Ce qui suit, hormis le système scolaire, s'applique donc essentiellement à ces régions.

Système scolaire, travail des enfants... :

J'ai visité la "Government Middle School" de Manali, dans la province Hutar Pradesh, au Nord-Ouest de l'Inde, une école publique accueillant 300 élèves. Le directeur m'a donné avec application, mais aussi avec une certaine méfiance qu'il a fallu que je lève avec force sourires et argumentations, les informations suivantes:

Le curcus scolaire se partage en quatre grandes étapes : "Primary", de 5 à 10 ans, "Middle School", de 10 à 13 ans, "Higher School", de 13 à 18 ans, et "College level", de 18 à 21 ans. Ensuite, vient l'université.

L'école est totalement gratuite, livres et repas de midi inclus. Les élèves doivent en revanche acheter l'uniforme. L'école privée se développe, sous les appellations "private school" (assez rare) mais surtout "public school" (!), dans le sens "tout public est accepté"...

Il y a autour de 30 à 40 élèves par classe en moyenne, davantage dans les villes. L'école que j'ai visité a la chance d'avoir en gros autour de 10 élèves par classe seulement. 76% des enfants de la région Hutar Pradesh sont scolarisés. Pour l'Inde dans sa globalité, ce taux tombe à 50%. Les 50% restants sont au travail ou mendient dès le plus jeune âge.

Les enfants étudient assis par terre. Seul l'enseignant possède un bureau et une chaise. J'ai vu à un autre endroit un cours s'effectuer sur le toit d'un bâtiment ! Les filles et les garçons formant deux rangs distincts. Etonnant !

Les cours ont lieu tous les jours sauf le dimanche, de 10h à 16h. Les vacances : 33 jours pour la "rainy season", de fin juillet à fin août, et 7 jours pour le "spring break" du printemps.

Les enseignants, payés en moyenne 12 000 roupies par mois (180 euros) doivent passer un concours national pour obtenir leur diplôme. Ils sont ensuite nommés dans une école qu'ils ne peuvent choisir, et sont mutés tous les trois ans. "Une situation difficile" m'ont dit les enseignants. Le directeur, lui, trouve ça très bien, me récitant un discours officiel bien rodé pour argumentaire... "Mais la vie sociale (amis, logement, engagement collectif...) de ces gens est rendue difficile par ce système, c'est une situation vraiment précaire" fais-je remarquer. Embarras de l'intéressé...

Transport :

Sur des routes souvent en travaux, et dans l'ensemble en bon état, on retrouve beaucoup de voitures individuelles, ce qui n'était pas du tout le cas au Népal. Beaucoup de bus et de camions (Tata principalement bien sûr !) aussi. Et plutôt peu de motos. Sur les pistes de montagne, on trouve principalement des taxi 4x4 Mahendra. La circulation dans la capitale donne parfois des scènes étonnantes comme ce carrefour totalement bloqué, voitures, bus et motos se retrouvant face à face, un peu dans tous les sens ! Le réseau ferré est bien développé, mais les trains sont très lents (500km en 10 heures).

Vie quotidienne :

- Habillement : La différence entre villes et campagnes est très importante. On peut retrouver dans les vallées reculées des femmes en habits traditionnels et à Dehli de jeunes femmes habillées à l'occidentale. Le type d'habillement dépend aussi beaucoup de la religion de chacun. Pour les hommes hindous par exemple, moustache fine, "marcel" et chemise, pantalon en toile et sandales est classique.

- Coutumes : Il n'est pas rare de voir des hommes se tenir par la main, ou déambuler bras dessus bras dessous dans cette société indienne globalement bien plus "tactile" que la nôtre.

- Peu de gens fument.

- Dans les queues devant un guichet, doubler, coller et pousser est malheureusement fréquent. Et que le guichetier réponde à plusieurs personnes en même tant l'est aussi !

- Les coupures d'électricité sont quotidiennes dans le Nord.

- Castes : Les distinctions entre castes ne sont pas flagrantes, contrairement aux classes sociales, bien marquées... En effet, la richesse côtoie l'extrême pauvreté, et la capitale Dehli est en cela un "exemple". Un pays qui semble globalement coupé en trois, avec des gens d'une pauvreté extrême et des travailleurs pauvres, des gens "normaux", et des gens riches et très riches. Les première et troisième catégories sont plus fournies m'a-t-il semblé que dans tous les autres pays traversés.

- L'anglais est parlé, au moins un minimum, par une majorité de gens dans cette ancienne colonie britannique. Beaucoup de mots ont d'ailleurs intégré le langage courant.

- Sur tous les produits alimentaires sous emballage, le prix est indiqué de manière officielle, comme l'est la date de péremption par exemple.

Agriculture :

- Cultures : Blé, choux, lentilles, haricots, riz, oignons, piments que l'on retrouve régulièrement dans l'alimentation de base. Quant à l'élevage, traditionnel dans les montagnes, il concerne buffles (marrons aux yeux parfois d'un blanc étonnant), chèvres, poules et moutons.

- Engrais et pesticides : très et trop utilisés. Ils sont partout, et la publicité les concernant est très présente, ne s'embarrassant pas d'une quelconque recherche de discrétion, comme chez nous désormais, où l'utilisation d'engrais et pesticides est de plus en plus remise en question, du fait des nombreuses pollutions qu'elle entraîne, air, nappes phréatiques ou rivières entre autres...

Alimentation :

- Riz, assortiment de lentilles ou haricots et "chapati" (galette remplaçant le pain) est un plat populaire. On trouve beaucoup de petites échoppes-pâtisseries vendant de nombreux petits gâteaux ou beignets frits.

- Un autre modèle alimentaire que nous connaissons bien chez nous tente de s'imposer, par exemple à l'aide de publicités représentant un homme incontestablement heureux, entre un paquet de chips et une bouteille de soda...

Sport :

Le cricket est le sport roi, de très loin. Une chaîne de TV lui est même exclusivement consacrée.

Religion :

- Très présente dans la vie quotidienne, et très variée (hindous, bouddhistes, musulmans, sikhs, chrétiens...)

- A la TV, on voit fréquemment des gourous, toujours charismatiques, de toutes tendances religieuses, faisant leur prêche devant des foules conquises...

- Aux checkposts dans le "Jammu et Cachemire", on m'a demandé plusieurs fois ma religion. "Je n'ai pas de religion". Etonnement et suspicion de mes interlocuteurs. "Je crois en l'Homme". C'est alors instantanément sourires conquis sur des visages désormais détendus et serrage de main chaleureux... Ah. Tiens. Et si elle était là la solution à de nombreux conflits ? Les religions ou croyances diverses divisent une société, et, aussi "tolérantes" s'autoproclament-elles, elles isolent leurs adeptes dans une bulle devenant au fur et à mesure de plus en plus hermétique. Car plus on "avance" dans une croyance, plus il devient difficile de communiquer avec l'extérieur, et encore moins avec un adepte d'une autre croyance, qui lui aussi aurait beaucoup "avancé"... Le repli sur soi et sa communauté de pensée devient alors inéluctable. La contradiction n'est plus acceptée, l'ouverture d'esprit s'en trouve amoindrie et le débat devient impossible. Les conflits entre communautés aux croyances différentes se retrouvent alors souvent dans une impasse, comme ici au Cachemire.

Télévision :

- Le modèle féminin n'est pas, comme chez nous, une femme grande et fine (voire maigre...). Elle est ici de taille normale, plus ronde, un "petit ventre" qui dépasse n'étant pas ici la "fin du monde", au contraire. Un "modèle" certainement plus conforme à la réalité, et de fait bien moins traumatisant pour la majorité des adolescentes... Côté masculin, pour les héros bollywoodiens, c'est regard noir et gros muscles... et petit pois ?

- Beaucoup de films ont des passages musicaux assez longs, durant lesquels les acteurs se mettent à danser et chanter. Assez troublant au début.

- La publicité est partout. Les matchs de cricket deviennent insupportables à regarder ( 4 à 5 coupures publicitaires en moins de 10 minutes ! sans compter les encarts, bandeaux ou logos apparaissant régulièrement sur l'écran pendant le direct...)

Santé, problèmes environnementaux, risques naturels...:

- Inondations en période de mousson.

- En montagne, avalanches, glissements de terrain et chutes de neige qui bloquent les routes durant de longs mois. La route Manali - Leh est par exemple bloquée pendant près de 8 mois sur 12 ! Elle ouvre régulièrement fin mai début juin seulement.

- Tremblements de terre meurtriers, comme celui qui a secoué la région du Cachemire à la frontière pakistanaise en octobre 2005, faisant de très nombreux dégâts et victimes (villages entiers détruits, routes coupées...)

- Utilisation massive d'engrais et pesticides, avec les conséquences sanitaires, à plus ou moins long terme, que cela entraîne. Conséquences connues... ou encore inconnues.

- Les malformations physiques, les plus visibles, sont très nombreuses et concernent toujours une population en plus très pauvre... Ces gens ne semblent absolument pas soutenus et sont très souvent mendiants.

Ce qui m'a plus particulièrement marqué :

1. On rencontre souvent sur le bord des routes des panneaux de signalisation rappelant à l'automobiliste des règles de bon sens ("Ne pas doubler à gauche" (on roule à gauche ici...), "Mieux vaut arriver en retard que jamais", etc...). De la prévention tout à fait louable, mais sponsorisée par des commerces, des journaux etc... dont le nom et l'adresse figurent sous le panneau. Une situation troublante que ce partenariat 'groupes privés-police'... En effet, il engendre forcément une certaine dépendance de l'un vis-à-vis de l'autre, comme par exemple dans la presse chez nous, dont la survie dépend désormais des recettes publicitaires et qui n'est donc plus indépendante... Comment en effet enquêter et publier un article dérangeant sur un annonceur... grâce auquel on vit ! Il risquerait de retirer ses publicités en représailles... Une autocensure réelle et très "efficace" malheureusement...

Ces panneaux invitent par exemple à ne pas mélanger alcool et conduite. Mais les magasins ne vendant que de l'alcool sont pléthore le long des routes ! Une situation paradoxale. Ne faites pas... tout ce que la publicité vous dit de faire à longueur d'année en somme ! Nous connaissons en France des campagnes publiques (et coûteuses) régulières sur le thème "Mangez mieux", "Faites du sport" etc... pendant que la TV déverse à longueur de spots publicitaires sa propagande pro-nourriture rapide, toute prête etc... ou pro-ustensiles inutiles de toutes sortes incitant à faire toujours moins d'effort physique. En faisant bien sûr passer tout cela pour un progrès, une nouveauté "pratique"... Comme il a fallu du courage à certains hommes politiques pour mettre en cohérence le message de prévention "anti-tabac" et la loi qui lui est désormais associée, il en faudra à nouveau pour que la publicité diminue, diminue et diminue encore dans l'espace médiatique... l'idéal étant à mes yeux une suppression progressive complète.

Quant à cette nourriture, pour ne prendre que l'exemple de la nourriture, jugée néfaste (d'un point de vue nutritif, pas sanitaire) pour la santé par de nombreuses autorités compétentes, pourquoi continue-t-elle de remplir les rayons des magasins? Expliquer à des millions de gens qu'il vaut mieux manger des produits frais, etc.. peut sembler plus compliqué que d'expliquer (ou d'imposer par la loi) à une poignée d'industriels de l'agro-alimentaire ce qu'il ne faudrait tout simplement plus produire... Mais, très souvent, ces industriels-là sont... de gros annonceurs ! La publicité étant partout, beaucoup de monde, en haut de l'échelle, n'a pas intérêt à ce que cette situation change, les enjeux financiers étant colossaux. La boucle est bouclée. Et on ne parle que de l'alimentaire...

2. "Pour raison de sécurité"...

- Les magasins d'armes, la kalachnikov en bandoulière, les checkposts incessants, les militaires partout, les registres dans les hôtels, etc... "pour raison de sécurité"... Je n'aime décidément pas cette phrase. Car plus je l'entends, moins je suis libre de mes faits et gestes... Et si je ne suis pas rassuré, que la kalachnikov du voisin m'inquiète, je suis libre d'essayer d'en avoir une plus grosse, de kalachnikov... et ainsi va la guerre.

Le terrorisme (ou la résistance, selon de quel bord on est...) entraîne aujourd'hui une spirale d'augmentation de militaires, de police sur les routes, de checkposts, de contrôles en tout genre. Et pas seulement en Inde... Et la technologie, le "progrès technique", ne manque pas de s'emparer de ce phénomène, et d'en exploiter les côtés lucratifs. En effet, beaucoup imaginent déjà les militaires remplacés par des caméras. Des caméras partout, en voilà une bonne idée. Les checkposts aussi pourraient "progresser" : une puce électronique sur chaque individu, et voilà la question réglée. On saurait alors tout des moindres faits et gestes de chaque personne, parfait... Cette logique infernale, ce monde surveillé, vidéo-surveillé, électro-surveillé, 24h sur 24, certains n'y voient pas d'inconvénients, car ils "n'ont rien à se reprocher, eux". Aujourd'hui peut-être... mais demain ? La démocratie est fragile. Si elle disparaît, même provisoirement, dans un pays, comment s'organisera la résistance ? Elle deviendra impossible, même si la cause à défendre est noble. Le danger est donc immense. Je reprends l'exemple des résistants français pendant la guerre : comment se seraient-ils organisés si les militaires allemands avaient eu accès à ces moyens de contrôle des populations ? Auraient-ils tout simplement pu s'organiser ? Non. Le danger est immense et largement sous-estimé par les populations des sociétés occidentales qui n'imaginent plus revenir à des régimes autoritaires non démocratiques. Peut-être. Mais qu'en est-il de tous ces pays du monde dans lesquels la démocratie n'est parfois qu'un mot...

"Pour raisons de sécurité", gardons notre sang froid et n'acceptons pas, sans même en avoir mesuré pleinement les conséquences, des orientations sécuritaires de société et ce soi-disant progrès technique qu'est la vidéo-surveillance, tous deux nuisibles à plus ou moins loin terme. Inutiles souvent, liberticides toujours...

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