Népal

Système scolaire, travail des enfants :

Enfants scolarisés ? J'ai visité la "Nepal Wubak School", une école publique du centre-ville de Katmandou, accueillant 700 élèves (350 filles, 350 garçons). Le directeur et un enseignant m'ont accompagné pour la visite et m'ont donné toutes les informations qui suivent.

Le curcus scolaire se partage en trois grandes étapes : "Primary", de 4 à 12 ans, 1250 roupies l'inscription à l'année (12,5€), "Lower secondary", de 12 à 14 ans, 1500 roupies (15€), "Secondary", de 14 à 16 ou 17 ans, 2000 roupies (20€).

Compte tenu des faibles ressources dont dispose cette école, un bâtiment est en attente de construction et donc, par manque de place, les classes sont chargées: autour de 50 élèves. Dans un cas normal, ce serait autour de 35 élèves par classe. Les élèves portent un uniforme.

Le salaire moyen étant de 1200 roupies (12€) par mois, la moitié des enfants népalais ne va pas à l'école faute de revenus suffisants dans les familles. Parmi les 50% d’enfants scolarisés, 20% vont dans des écoles privées, très fréquentes au Népal. Elles insistent particulièrement sur l'anglais, et coûtent au moins 5 fois plus cher. Les écoles publiques sont en vacances les deux mois d'hiver, décembre et janvier, ce qui n'est pas le cas des écoles privées.

Quant aux enseignants, leur salaire moyen est de 7000 roupies (70€) par mois.

Les 50% d'enfants n'allant pas à l'école commencent à travailler extrêmement jeunes. Les plus pauvres d'entre eux mendient, la nuit (voir plus bas), dans les rues de Katmandou.

Mode de vie, habitudes alimentaires... :

- Transports : La marque indienne "Tata" est omniprésente, principalement en ce qui concerne les camions (toujours peints et décorés de telle sorte que chacun d'eux estCamions Tata réellement unique!). Les voitures individuelles sont assez rares. Les autres principaux véhicules sur les routes sont les motos de petite cylindrée, les bus (longs, autour de 50 places officielles), les "mini-bus" (autour de 30 places officielles) et les "micro-bus" (autour de 10 places officielles). Mais en pratique, ces chiffres sont au moins doublés, sans compter les personnes qui se rajoutent... sur le toit! Les embouteillages sont la norme à Katmandou, la police étant souvent totalement dépassée par des automobilistes ne respectant pour certains d'entre eux aucune règle si ce n'est celle du plus gros klaxon... Sur les routes, beaucoup d'incidents divers immobilisent les véhicules sur le bord ou même parfois au beau milieu de la route! Pannes mécaniques, accidents ou encore crevaisons sont monnaie courante (Crevaisons peu étonnantes car beaucoup de camions ou bus roulent avec des pneus très usés, l'expression "jusqu'à la corde" étant ici totalement justifiée !).

- Vie quotidienne : Les sourires sont à nouveau au rendez-vous, après la froideur chinoise. La majorité des gens dit bonjour mais, jeunes ou vieux confondus, en disant "bye bye" !... Pourtant, une grande part de la population parle au moins quelques rudiments d'anglais.

Les coupures d'électricité sont la norme, avec par exemple pour Katmandou autour de 6 à 7 heures de coupure quotidienne ! La vie s'organise donc en fonction de ces coupures qui ont lieu par quartiers, à des horaires différents chaque jour mais identiques d'une semaine sur l'autre. Des groupes électrogènes sont utilisés par les plus aisés.

L'équipement informatique est peu développé, les connections sont très lentes. L'influence indienne est très forte à la télévision, avec une avalanche de matches de cricket indien (autant que le foot sur nos petits écrans à nous...) et de séries Z ou films sortis tout droit de Bollywood. La TV est loin d'être présente dans tous les foyers. Conséquence directe, la presse est lue ici plus qu'ailleurs et la presse de caniveau est inexistante.

- Alimentation : On retrouve ici les "momos", sorte de raviolis servis en soupe ou frits, très présents au Tibet. Beaucoup de beignets frits, fourrés ou non, sucrés ou salés. Et bien sûr le plat classique, le "daal bhaat", composé d'une portion de riz, une portion de lentilles, une portion de légumes et une sauce piquante, chacune de ces portions étant renouvelable à volonté. Existe ensuite le daal bhaat au poulet, au boeuf, etc., la base étant la même. C'est le plat le plus consommé dans les petits restaurants populaires.

- Sport : Séances collectives de yoga très tôt le matin sur le stade de Katmandou (stade faisant davantage office de parc public que de terrain de sport). Badminton, arts martiaux, cricket. Jeux de table aussi: échecs et "karum" étant les principaux (sorte de billard miniature où les jetons et l'index remplacent les boules et les cannes).

Bonne année 2065 ! - Religion : Très présente et très variée (bouddhisme, hindouisme, catholicisme...). Beaucoup de gens ont soit un point rouge au milieu du front, soit une tâche, rouge elle aussi, mais aux contours moins délimités, voire même parfois un trait de haut en bas sur le front. Au Népal, cette année est l'année... 2065, le "nouvel an" ayant eu lieu juste après les élections !, une période décidément bien peu banale.

Santé, problèmes environnementaux, risques naturels... :

- Pollution atmosphérique : Katmandou est réellement irrespirable, quel que soit le lieu et l'heure de la journée. La nuit, entre minuit et 5h du matin, la ville semble s'arrêter complètement, seul réel moment de répit pour des milliers de poumons meurtris...

- Les rues de Katmandou, et plus généralement de toutes les villes népalaises, sont assez sales. Détritus (et odeurs nauséabondes qui y sont liées), absence d'égouts, poussière omniprésente, soulevée par les véhicules à moteur qui aggravent la situation avec leurs gaz d'échappement... L'eau courante n'est pas la norme, l'essentiel de la population (même dans Katmandou) ayant à remplir des jarres à la fontaine du quartier ou du village. L'hygiène est donc limitée. Se laver les mains à l'eau et au savon est encore loin d'être un réflexe...Centre pour tuberculeux

- Des centres de lutte contre la tuberculose existent.

- Les fruits, pourtant nécessaires à une alimentation équilibrée, sont globalement chers.

- Les usines fabriquant les briques rouges destinées à la construction de bâtiments crachent régulièrement une épaisse fumée noire...

- Les glissements de terrain sont nombreux, surtout pendant la saison des pluies, compte tenu d'un relief très accidenté dans tout le pays à l'exception des basses plaines bordant l'Inde.

- On retrouve aussi bien sûr les risques naturels classiques liés à la haute montagne.

Ce qui m'a plus particulièrement marqué :

- Je suis arrivé au Népal en pleine période électorale, une semaine avant les plus importantes élections libres et démocratiques du pays, un moment historique. Les électeurs sont appelés à élire une assemblée qui aura la lourde tâche de rédiger la constitution du nouveau Népal démocratique, mettant ainsi fin au royaume et replaçant le roi à sa place, celle d'"un citoyen comme les autres" comme m'ont dit avec fierté de nombreuses personnes. La très forte présence policière à laquelle, malgré mon passage par le Tibet occupé, je n'arrive toujours pas à me faire, s'explique ici par la crainte de heurts et d'intimidations diverses à l'approche du scrutin. Des incidents ont d'ailleurs eu lieu, principalement dans les provinces reculées où plusieurs personnes ont trouvé la mort. Cinq jours de vacances ont été décrétés autour du jeudi 10 avril, jour des élections durant lequel aucun véhicule à moteur ne doit circuler et ce, dans tout le pays (à l'exception des seuls officiels, observateurs de l'ONU ou de l'Union européenne). Le pays a vécu au ralenti ces quelques jours et s'est totalement arrêté le jour des élections avec aucun véhicule dans les rues (même en stationnement !). La population et principalement les enfants se sont réappropriés ces rues redevenues le temps d'une journée ce qu'elles devraient être toute l'année, l'air était plus respirable, la vie plus agréable ! Et cela s'est vu sur les visages rayonnants des habitants ! Des panneaux officiels comportant de nombreuses indications écrites mais aussi sous forme de dessin ont servi à expliquer le vote aux lettrés et illettrés... La participation a été forte. Les résultats officiels ne sont pas encore connus.

- Des manifestations de tibétains ont été réprimées violemment à Katmandou (qui possède un camp de réfugiés tibétains). La Chine s'est déclarée "satisfaite" du traitement réservé à ces manifestations, contrairement aux organisations de défense des droits de l'Homme présentes ici...

- Au Népal, l'école est à deux vitesses. L'une publique, sous dotée et recueillant les élèves les plus déshérités. L'autre, privée, dotée de beaucoup plus de moyens et accueillant des enfants globalement plus favorisés. Aux plus démunis la tâche la plus ardue ! De cette manière, l'écart entre riches et pauvres ne peut que se creuser... rendant la société globalement plus instable, et donc défavorable à l'ensemble de ses citoyens. Le tourisme étant l'une des principales activités économiques au Népal, l'école privée insiste énormément sur l'apprentissage de l'anglais, mais passe moins de temps sur d'autres activités, sûrement jugées inutiles au futur "travailleur du tourisme". Ce dernier, l'élève-futur-travailleur-dans-le-tourisme, y est donc certes bien préparé. Mais qu'en est-il de l'élève-citoyen ?... L'école doit-elle servir à former des travailleurs capables d'effectuer telle ou telle tâche spécifique (ici, parler anglais) ou des citoyens responsables, cultivés dans de nombreux domaines, capables ainsi de s'adapter ensuite rapidement à n'importe quelle activité professionnelle ?... Ce système libéral prépare des travailleurs plus que des citoyens et conduit obligatoirement à une sélection par l'argent, valeur totalement contraire à une société dont l'égalité serait l'un des piliers... comme en France par exemple. Dans la perspective d'une société toujours plus juste, l'enseignement reçu par les enfants d'un pays doit être le même jusqu'à un certain âge, quelles que soient leurs origines ou leurs conditions sociales. C'est le cas en France jusqu'à l'âge de 16 ans, tant que le collège unique existe... Mais remettre en cause ce collège unique, supprimer la carte scolaire, réorienter les élèves en difficulté avant la fin du collège ou développer les filières d'apprentissage dès 14 ans par exemple (texte voté il y a peu), va dans le sens inverse. Pire, ce dernier texte permet de manière insidieuse de refaire travailler des enfants avant les 16 ans légaux... Un recul social incontestable. Une volonté idéologique pourtant forte de la part de certains, pour qui l'épanouissement de l'homme n'est pas une priorité...

Pour ne pas se tromper quant au système éducatif que nous souhaitons, une vision sociétale de long terme est nécessaire. En effet, une société plus juste bénéficie toujours à l'ensemble de la population, riches et pauvres confondus, c'est donc vers elle que nous devons tendre, elle que nous devons avoir en tête quand des décisions sont à prendre, ou que nous sommes appelés à voter...

- Mendicité : les enfants les plus pauvres, non scolarisés, mendient la nuit dans les rues de Katmandou car le jour ils sont arrêtés ou chassés à coups de bâton par la police. Le touriste ne doit voir que les bons côtés du Népal et consommer en toute tranquillité... Ce n'est pas sans rappeler les arrêtés "anti-mendicité" pris par de nombreux maires de la Côte d'Azur (mais pas seulement...) afin d'éloigner la pauvreté de leurs rues. L'éloigner, des yeux seulement...

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